Je
me devais d'être présent à cette communication qui portait sur un sujet qui
est mon domaine de recherche privilégié depuis plus de 30 ans. Je savais
d'avance que j'allais être déçu, connaissant l'état de la problématique
BE+ING dans la recherche britannique. S'il le fallait, la bibliographie
figurant à la suite de l'abstract publié dans le programme du Colloque
confirmait mes craintes car j'y trouvais les travaux de Comrie, Hirtle, Leech
ou Schafer , qui, à mes yeux, représentaient l'approche taxinomique
traditionnelle: la forme progressive avec ses avatars éculés : durée limitée,
action temporaire, imperfectivité et j'en passe. L'objet
de cette communication était le suivant : étant donné la constatation de
l'expansion de la "forme progressive" en anglais contemporain, il
s'agit de déterminer les lignes de force de cette progression . Pour ce faire
les auteurs de l'étude vont s'appuyer sur un certain nombre de critères tels
que les distinctions aspectuelles, le sens des verbes (activité, activité
mentale, verbes de communication etc.), les traits animé ou agentif, dynamique ou statique, la télicité etc. Trois
parties : d'abord une sélection de types d'énoncés présentant une extension
de l'emploi de la forme progressive , puis l'exploitation de deux corpora
d'un million de mots chacun (LOB 1961) et FLOB (1991) et enfin une page
entière de statistiques en fonction des features
dont j'ai parlé plus haut. Ce
travail me fait penser à la thèse de Buyssens "Les deux Aspectifs de la
Conjugaison Anglaise" ( ) dans laquelle le linguiste belge s'était
évertué , sur la base de centaines d'exemples, à montrer que la valeur
fondamentale de BE+ING était …la durée! Ici les deux sympathiques
présentateurs se sont fourvoyés dans une étude de type universitaire qui
était condamnée à un échec total vu la faiblesse théorique de l'entreprise.
Leur tort c'est d'avoir bâti leur travail sur des critères
"sémantiques" les plus hétéroclites et de s'être satisfaits d'une
terminologie de type "langue de bois": "extension to lexically
stative verbs, temporary modes of behaviour, temporary states, developing
processes, acquisition of pragmatic nuances etc". Deux examples concrets
suffiront à expliquer la légèreté de l'entreprise : L'énoncé
que voici : When you say that, you are
calling me a liar ? est
pour les auteurs un exemple de "interpretative progressive" ( il
est vrai que cette métalangue se réfère aux travaux de Buyssens (1968)).
Comment peut-on espérer découvrir les cheminements secrets de l'expansion de
BE+ING au moyen de tautologies de ce genre ? Le
deuxième exemple : Mr.Kelf-Cohen asks if the
members of the association are now prepared to give up £4 per week, but does
he know what he is really asking ? est
l'occasion du commentaire suivant : "Not clear how
imperfectivity interacts with the Interpretative progressive". On reste pantois devant un galimatias de ce genre
mais est-il vraiment plus grave que ce que l'on trouve très souvent chez nous
lorsque par exemple on dit que dans tel cas une action perfective est
exprimée imperfectivement , ou l'inverse ? Des
travaux de ce genre posent un problème de déontologie de la discipline
linguistique.
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